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Marcher dans la beauté
26 août 2007

Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte, Thierry Jonquet, 2006

Titre tiré d'un poème sur les communards de Victor Hugo, Thierry Jonquet écrit trois histoires en contrepoint pour descendre dans l'enfer ordinaire de la violence dans nos banlieues et décrire certains dysfonctionnement de notre société.

Trois histoires dans un unité de temps et de lieu. Trois protagonistes qui ne se croisent pas mais donnent chacun leur tour un éclairage terrifiant sur les relations entre malfrats, habitants et police, entre enseignants et "apprenants", et une peinture des dérives gothiques de certains adolescents.
Anna Doblinsky est une prof de français, fraichement moulue de l'IUFM, qui fait sa première rentrée à la cité scolaire Pierre-de-Ronsard dans le 9-3, une vingtaine de cubes en béton gris de trois étages (...), c'était laid, infiniment triste. Elle va découvrir la réalité de sa mission, loin des consignes ministérielles, où chaque cours est un équilibre fragile, un rapport de forces. Elle va se confronter à la lâcheté de certains de ses collègues, du proviseur, et découvrir le racisme ordinaire, banal et dévastateur.
Adrien Rochas, adolescent gothique, en retrait du monde, schizophrène mal soigné et dont la mère se trouve très démunie et en grande souffrance. J'avoue que je ne comprends pas bien la fonction de ce morceau de récit, sinon de montrer que la violence est partout, dans tous les milieux, dans toutes les banlieues, même les plus "chics". Sinon d'amener le lecteur à réfléchir sur qui est le pire : celui qui commet un meurtre de sang froid et relève des soins psychiatriques ou celui qui endoctriné torture et renonce à la mise à mort au dernier moment.
Le substitut Richard Verdier en charge de cette banlieue qui tente d'agir, à son échelle, pour éviter que la barbarie n'emporte tout et qui a maille à partir avec les trois hommes qui se partagent la ville : un dealer de cannabis, un proxénète et un dealer d'héroîne.

Dans la classe d'Anna, se trouve Lakdar, un cas à part, hyper intelligent, mais pauvre gosse, une fracture mal réparée le prive de sa main droite, lui qui voulait devenir dessinateur. Quand il comprend qu'il ne retrouvera jamais l'usage de sa main, Lakdar décroche et part à la dérive, à la dérive avec son copain Slimane, salafiste extremiste, qui le plonge dans le Djihad, avec son copain Djamel, souffre douleur d'une brute épaisse de la classe. Il part à la dérive au début des émeutes et affrontements de banlieue et s'enferme dans un racisme croissant contre les juifs. Racisme qui l'entraîne dans l'horreur, dans la barbarie.

Son livre est paru après les émeutes, alors qu'il en a commencé la rédaction avant. Du coup la dimension visionnaire de son écrit "tombe" un peu. C'est bien écrit comme toujours, très bien documenté, mais j'ai trouvé l'articulation entre les histoires pas très convaincantes, et le rythme des chapitres chaotique. Du coup je ne suis pas rentrée dans l'histoire, je l'ai plus lu plus comme une chronique de société que comme un roman. D'où une pointe de déception.

Vous ne les avez pas guidés, pris par la main,
Et renseignés sur l’ombre et sur le vrai chemin ;
Vous les avez laissés en proie au labyrinthe.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte ;
C’est qu’ils n’ont pas senti votre fraternité.
Ils errent ; l’instinct bon se nourrit de clarté ;
Ils n’ont rien dont leur âme obscure se repaisse ;
Ils cherchent des lueurs dans la nuit, plus épaisse
Et plus morne là-haut que les branches des bois ;
Pas un phare. A tâtons, en détresse, aux abois,
Comment peut-il penser celui qui ne peut vivre ?
En tournant dans un cercle horrible, on devient ivre

Victor Hugo, extrait de "A ceux qu’on foule aux pieds"

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