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Marcher dans la beauté
11 août 2008

Au nom du père et du fils, Francine Ouellette, 2004 (Québec)

A la fin du 19e siècle, Européens francophones et anglophones "envahissent" le Canada et remontent toujours plus au Nord, des deux côtés du Saint Laurent, chassant de fait les nomades Amérindiens qui vivaient là. Ils défrichent, coupent leurs arbres, détruisent leur habitat, et pour nombre d'entre eux les méprisent profondément comme un peuple de sauvages qui ne valent pas plus que les animaux qu'ils mangent.

Francine Ouellette raconte cette colonisation barbare, violente, raciste, inhumaine dans ce roman à travers la vie de quelques Amérindiens (Gros Ours, sa fille Biche pensive, son petit fils Small Bear) et des habitants d'un village qui se construit progressivement. Les premiers arrivés sont deux enfants terrifiés de 16 et 12 ans que leur père laisse là une longue année, en 1884, le temps de revenir. L'ancien curé, puis Alcide Plamodon jeune vicaire qui rêve de régner sur le village, les religieuses, Alexis Léonard, Honoré Villeneuve, Noé Touchette, Ernest Thibodeau et leurs familles. Puis vient le médecin Philippe, qui ose soigner les sauvages, puis d'autres colons encore, et notamment Napoloéon Gadouas, une brute sans nom, et dans la forêt le féroce carcajou.

Dans ce huit clos, les colons vont essayer de survivre aux rigueurs du climat, aux assauts des maringouins, terribles moustiques locaux, aux tempêtes intérieures, aux injonctions du curé qui détruira de nombreuses vies au sens propre comme au sens figuré, à la bêtise humaine. C'est suffoquant de violence, de bêtise et de suffisance. Si peu d'humanité du côté des colons, si peu de curiosité, tant de préjugés, d'a priori, de courte vue, d'intolérance. C'est un étau infernal pour les Amérindiens qui n'ont aucune chance, eux les nomades, contre un peuple d'agriculteurs à l'esprit aussi étroit. Et ceux des colons qui sont plus ouverts, compréhensifs, et humbles face à la forêt et ses peuples, sont mis à l'écart du village, et basculent de fait eux aussi du côté des sauvages.

Au delà du côté fresque historique tout à fait intéressante, et des éclairages culturels sur la vie de quelques Amérindiens, c'est un roman tout à fait poignant qui s'étend sur presque trois générations. Un de ces romans commencé en fin de matinée près de la cheminée et lâché seulement dans la nuit, 814 pages plus loin, les yeux épuisés des larmes versées et de la fatigue de lire.

J'aime beaucoup sa manière de dépeindre les personnages de l'intérieur qui en dit assez pour donner de la texture et pas trop pour que chacun avec son imaginaire puisse construire les personnages, les laisser résonner avec d'autres vivants connus. Passées les premières pages où des expressions québecoises peuvent un peu dérouter la lecture, c'est un roman qui se dévore, le coeur souvent serré.

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